“Je la vois encore cette chambre, avec son papier vert à ramages et une jolie gravure en couleurs qui représentait, comme je l’ai su depuis, Virginie traversant dans les bras de Paul le gué de la rivière noire. Il m’arriva dans cette chambre des aventures extraordinaires.”
Paul et Virginie, gravure
du roman de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, 1788
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“A peine étais-je couché, que des
personnages tout à fait étrangers à ma famille se mettaient à défiler autour de
moi. Ils avaient des nez en bec de cigogne, des moustaches hérissées, des
ventres pointus et des jambes comme des pattes de coq. Ils se montraient de
profil, avec un œil rond au milieu de la joue, et défilaient, portant balais,
broches, guitares, seringues et quelques instruments inconnus. Laids comme ils
étaient, ils n’auraient pas dû se montrer ; mais je dois leur rendre une
justice : ils se coulaient sans bruit le long du mur, et aucun d’eux, pas même
le plus petit et le dernier, qui avait un soufflet au derrière, ne fit jamais
un pas vers mon lit. Une force les retenait visiblement aux murs le long
desquels ils glissaient sans présenter une épaisseur appréciable. Cela me
rassurait un peu ; d’ailleurs, je veillais. Ce n’est pas en pareille compagnie,
vous pensez bien, qu’on ferme l’œil.”
“Hier, en flânant sur les quais, je vis
dans la boutique d’un marchand de gravures un de ces cahiers de grotesques dans
lesquels le Lorrain Callot exerça sa pointe fine et dure et qui se sont faits
rares. Au temps de mon enfance, une marchande d’estampes, la mère Mignot, notre
voisine, en tapissait tout un mur, et je les regardais chaque jour, en allant à
la promenade et en en revenant ; je nourrissais mes yeux de ces monstres, et,
quand j’étais couché dans mon petit lit à galerie, je les revoyais sans avoir
l’esprit de les reconnaître. O magie de Jacques Callot !
Le petit cahier que je feuilletais réveilla
en moi tout un monde évanoui, et je sentis s’élever dans mon âme comme une
poussière embaumée au milieu de laquelle passaient des ombres chéries.”
Le
Livre de mon ami, Anatole France, 1885
Trois
caramiggi ou figures grotesques debout, Jacques Callot (1592-1635), Musée du
Louvre
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“À se maintenir aux aguets de ce qui se
passe dans la chambre des enfants – qu’on reste planté à la porte ou qu’on y
fasse intrusion –, on risque fort de n’entendre que le bruit de son propre
dialogue intérieur.”
Jean-Bertrand Pontalis, dans son
commentaire de La chambre
des enfants de Louis-René des Forêts, un recueil de quatre récits publié par les éditions Gallimard dans la collection L'Imaginaire (1960).
Sources : La
chambre d’enfant dans l’espace familial, Michelle Perrot, Journal Français de
Psychiatrie, 2010 / 2 (n° 37)