Walker events, diptyque photo,
extrait de la série
Paris
© Didier
Frouin-Guillery, 2017
|
Pour ceux qui le veulent, ou en ont besoin,
une bonne exposition est une leçon pour le regard. Et pour ceux qui n’ont
besoin de rien, ceux qui sont riches en eux-mêmes, c’est un moment d’excitation
et de plaisir visuel. Il devrait être possible d’entendre des grognements, des
soupirs, des cris, des rires et des jurons dans la salle d’un musée,
précisément là où ils sont habituellement refoulés. Ainsi, dans les expositions
classiques, certaines qualités des images peuvent également être refoulées,
voire totalement perdues. J’aimerais m’adresser aux yeux de ceux qui sont
capables d’apprécier pleinement la valeur des choses, sans être sujets aux inhibitions
liées à la bienséance publique. Je veux dire ici, qu’avec un peu de chance, le
vrai sentiment religieux peut parfois être éprouvé même dans une église et
qu’il est possible de percevoir l’art ou de le sentir sur la cimaise d’un
musée. Ceux d’entre nous qui vivent grâce à leurs yeux – les peintres, les
designers, les photographes, ceux qui regardent les filles – seront tout aussi
amusés que consternés par cette demi-vérité : « Nous sommes ce que
nous voyons » ; et par son corollaire : nos œuvres complètes sont,
pour une bonne part, des confessions autobiographiques, impudiques et joviales,
mais dissimulées par l’embarras de ce qui ne peut être dit. Pour ceux qui
comprennent ce langage, il s’agit bien de cela. Nous ne savons simplement
jamais qui se trouve dans notre public. Quand celui-qui-voit surgit pour
examiner notre œuvre et qu’il saisit nos métaphores, nous sommes tout
simplement pris en flagrant délit. Devrions-nous nous excuser ?
Walker Evans, Boston Sunday Globe, 1er août 1971.
Cette
citation clôturait l’exposition Walker Evans au Centre Pompidou (Paris, 26 avril
2017 - 14 août 2017).