“Nous avons besoin d’histoire car il nous
faut du repos. Une halte pour reposer la conscience, pour que demeure la
possibilité d’une conscience – non pas seulement le siège d’une pensée, mais d’une
raison pratique, donnant toute latitude d’agir. Sauver le passé, sauver le
temps de la frénésie du présent : les poètes s’y consacrent avec
exactitude. Il faut pour cela travailler à s’affaiblir, à se désœuvrer, à
rendre inopérante cette mise en péril de la temporalité qui saccage l’expérience
et méprise l’enfance. Étonner la
catastrophe, disait Victor Hugo, ou avec Walter Benjamin, se mettre à corps
perdu en travers de cette lente catastrophe lente à venir, qui est de
continuation davantage que de soudaine rupture.”
Extrait de Ce que peut l’histoire, Leçon inaugurale prononcée le jeudi 17
décembre par Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, titulaire de
la chaire d’Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIème-XVIème siècle.
Texte publié aux éditions Fayard, Paris,
avril 2016 (71 pages).