vendredi 9 septembre 2016

Un bandeau sur les yeux





Un bandeau sur les yeux, triptyque photo
© Didier Frouin-Guillery, 2016







Un bandeau sur les yeux, un bandeau tout serré, cousu sur l’œil, tombant inexorable comme volet de fer s’abattant sur fenêtre. Mais c’est avec son bandeau qu’il voit. C’est avec tout son cousu qu’il découd, qu’il recoud, avec son manque qu’il possède, qu’il prend.

Henri Michaux, La vie dans les plis, éditions Gallimard, Paris, 1949.





jeudi 1 septembre 2016

Détachement





Détachement, premier duo photographique, série Diagonales
© Adrien Frouin / Didier Frouin-Guillery, 2016





Sur la planète FH76, le corps des êtres vivants et leur esprit ne sont pas fusionnés. Il arrive ainsi que l’esprit meure bien avant le corps. Ce dernier continue de manger, de courir, de converser ou même de copuler jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’activité corporelle peut se poursuivre plusieurs années sans que quiconque ne s’aperçoive de rien.

Conte n°1, extrait des Contes liquides de Jaime Montestrela, collection Philox, éditions de l’Attente, Bordeaux, 2012.




lundi 22 août 2016

Une halte





Une halte, triptyque photographique © Didier Frouin-Guillery, 2016
Château de Chaumont-sur-Loire, Centre d’arts et de nature,
avec un détail de Capella dans la clairière, œuvre d’Anne et Patrick Poirier,
et un détail du vitrail de l’installation Tremblement de ciels de Marc Couturier.




“Nous avons besoin d’histoire car il nous faut du repos. Une halte pour reposer la conscience, pour que demeure la possibilité d’une conscience – non pas seulement le siège d’une pensée, mais d’une raison pratique, donnant toute latitude d’agir. Sauver le passé, sauver le temps de la frénésie du présent : les poètes s’y consacrent avec exactitude. Il faut pour cela travailler à s’affaiblir, à se désœuvrer, à rendre inopérante cette mise en péril de la temporalité qui saccage l’expérience et méprise l’enfance. Étonner la catastrophe, disait Victor Hugo, ou avec Walter Benjamin, se mettre à corps perdu en travers de cette lente catastrophe lente à venir, qui est de continuation davantage que de soudaine rupture.”

Extrait de Ce que peut l’histoire, Leçon inaugurale prononcée le jeudi 17 décembre par Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIème-XVIème siècle.
Texte publié aux éditions Fayard, Paris, avril 2016 (71 pages).