Très tôt, avant l’aube, mon cœur me réveille en
déclenchant un de ses désordres électriques dont il s’amuse
et garde le secret, pour trépigner et bondir dans tous les sens, surtout accélérer
sans borne et sans raison ;
pour battre aussi la campagne et chambouler un ciel de pleine lune étonnamment clair et serein
cette nuit-là ; et pour rebattre mes pensées et mes émotions telles les cartes occultes d'un jeu de tarot.
Comment dialoguer avec ce muscle caracoleur ? Se concentrer sur la respiration, boire, se forcer
à rester calme, évacuer les idées noires, se préparer à l’idée inéluctable de
partir, de partir aux urgences si cela dure trop...
Je ne me suis pas rendu compte que près de quatre
heures ont passé… couché, levé, assis ; j'ai tourné en
rond dans une cage ouverte… Mais là il faut quitter la maison, se rendre à l’hôpital.
Je prépare tranquillement mon sac comme on projette une sortie en weekend ; carnets de
dessin et de notes, appareil photo et smartphone, deux revues – Roven et Polka – et deux
livres que j’ai dû mal à… élire. Le temps presse…
J’ai beaucoup de livres dans ma
bibliothèque, surtout des livres d’art. Certains ne sont pas encore déballés. Je veux les
emporter tous avec moi... Pourquoi aussi ce désir enfantin de vouloir emporter les milliers de dessins, photos, et
objets, qui dorment emboîtés à l'atelier ?
Je choisis finalement de prendre le roman Ouragan* de Laurent Gaudé, que ma fille
Marine vient de me prêter, et le premier livre d’entretien de l’artiste Guillaume
Pinard, Du Fennec au Sahara* paru en
juin dernier. Pour ce double choix, j'ai fait ce jeu de lecture du début d’Ouragan, et de la
dernière page, et dernières images, de l’entretien de mon ami Guillaume…
Je suis tombé sur cette citation de Sándor Márai*
que Laurent Gaudé a mise en exergue à son roman :
(…)
lorsque tout est achevé, on répond avec l’ensemble de sa vie aux questions que
le monde vous a posées. Les questions auxquelles il faut répondre sont :
Qui es-tu ? Qu’as-tu fait ?... A qui es-tu resté fidèle ?
Et j'ai pioché ces phrases à la fin du livre de l’artiste
Guillaume Pinard :
La
recherche de la beauté procède aussi du fait de ne pas disqualifier les
émotions que je peux avoir devant des œuvres, le spectacle de la nature, le
visage de ma fille, qui sont des choses très simples dont je n’ai plus envie de
me priver. En allant sur ce terrain-là je trouve plein de ressorts. Ce portrait
de ma fille ne peut pas se justifier par un concept de variation de style ou un
autre argument théorique. C’est ma fille, je veux lui faire un beau portrait.
Ces livres de "hasard" seront les deux
signes compagnons de mon départ.
Mais dans l’intervalle de cette attente et de mes préparatifs, chose incompréhensible pour le “patient” que je suis, mon cœur s’est assagi aussi subitement qu’il s’était soudainement affolé.
J’ai tourné la page, et j’ai fermé les yeux ; attendre encore un peu avant de s'ouvrir aux mots et aux images, à la violence comme au bonheur de vivre…
Mais dans l’intervalle de cette attente et de mes préparatifs, chose incompréhensible pour le “patient” que je suis, mon cœur s’est assagi aussi subitement qu’il s’était soudainement affolé.
J’ai tourné la page, et j’ai fermé les yeux ; attendre encore un peu avant de s'ouvrir aux mots et aux images, à la violence comme au bonheur de vivre…
D. F-G
- - -
*Laurent Gaudé, Ouragan, éditions Actes Sud, 2010
*Guillaume Pinard, Du Fennec au Sahara, livre d’entretien, éditions Tombolo Presses –
galerie anne barrault, 2019.