mardi 13 septembre 2016

La séance de sac





Où sont les ombres ? Didier Frouin-Guillery, installation, 1998 – 2001,
Centre d’art Passerelle, Brest - Galerie de la Friche Belle de Mai, Marseille
© DFG






“Cela commença quand j'étais enfant. Il y avait un grand adulte encombrant.
Comment me venger de lui ? Je le mis dans un sac. Là je pouvais le battre à mon aise. Il criait, mais je ne l'écoutais pas. Il n'était pas intéressant.
Cette habitude de mon enfance, je l'ai sagement gardée. Les possibilités d'intervention qu'on acquiert en devenant adulte, outre qu'elles ne vont pas loin, je m'en méfiais.
À qui est au lit, on n'offre pas une chaise.
Cette habitude, dis-je, je l'ai justement gardée, et jusqu'aujourd'hui gardée secrète. C'était plus sûr.
Son inconvénient - car il y en a un - c'est que grâce à elle, je supporte trop facilement des gens impossibles.
Je sais que je les attends au sac. Voilà qui donne une merveilleuse patience.”
[...]


Henri Michaux, La vie dans les plis, éditions Gallimard, Paris, 1949.


Spectacle musical de Blandine Savetier, artiste associée au Théâtre National de Strasbourg, Compagnie Longtemps je me suis couché de bonne heure.







Extrait du spectacle La vie dans les plis de Blandine Savetier





vendredi 9 septembre 2016

Un bandeau sur les yeux





Un bandeau sur les yeux, triptyque photo
© Didier Frouin-Guillery, 2016







Un bandeau sur les yeux, un bandeau tout serré, cousu sur l’œil, tombant inexorable comme volet de fer s’abattant sur fenêtre. Mais c’est avec son bandeau qu’il voit. C’est avec tout son cousu qu’il découd, qu’il recoud, avec son manque qu’il possède, qu’il prend.

Henri Michaux, La vie dans les plis, éditions Gallimard, Paris, 1949.





jeudi 1 septembre 2016

Détachement





Détachement, premier duo photographique, série Diagonales
© Adrien Frouin / Didier Frouin-Guillery, 2016





Sur la planète FH76, le corps des êtres vivants et leur esprit ne sont pas fusionnés. Il arrive ainsi que l’esprit meure bien avant le corps. Ce dernier continue de manger, de courir, de converser ou même de copuler jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’activité corporelle peut se poursuivre plusieurs années sans que quiconque ne s’aperçoive de rien.

Conte n°1, extrait des Contes liquides de Jaime Montestrela, collection Philox, éditions de l’Attente, Bordeaux, 2012.