jeudi 26 mai 2016

Voir et être vu





Didier Frouin-Guillery, diptyque photographique extrait de la série Voir et être vu, 2016   
© DFG




“La demande de soins ou d’écoute s’accompagne la plupart du temps d’une plainte, et c’est pourquoi la première forme d’exhibition à laquelle tout clinicien est confronté est celle de la souffrance qui tourmente le patient qui lui est adressé. Qu’elle soit directe ou indirecte, clairement formulée ou à peine évoquée, il ne peut faire autrement que de la regarder en face et de se laisser questionner s’il veut que le symptôme évolue d’une façon ou d’une autre. Cette figure-là de l’exhibitionnisme est centrale, elle est au cœur de la culture judéo-chrétienne où les récits et les tableaux de souffrance dominent largement la scène culturelle, et c’est pourquoi je vais commencer par là. 

On a beaucoup glosé autour de la neutralité ou de l’indifférence de l’analyste face aux plaintes de l’analysant, au point d’en faire parfois la condition sine qua non de tout travail psychique. Nous allons voir qu’elle ne signifie pas insensibilité : certes, l’analyste se place a priori et concrètement en position tierce, avec une certaine distance, de façon à donner la priorité à l’écoute. Mais dans et par le transfert, il est pris dans les méandres de ce que Freud appelle la pensée visuelle, la plus ancrée en nous, il est amené à jouer tous les rôles, celui d’un miroir en particulier, ce qui veut dire que non seulement il est le partenaire obligé de cet exhibitionnisme d’un type un peu particulier, mais encore il lui faut jouer sur deux tableaux différents : se laisser toucher par l’affect qui en résulte, et garder suffisamment la tête froide pour repérer les messages auxquels il renvoie.”

Extrait de Voir - Être vu, chapitre S'exhiber, pour montrer sa souffrance : Du masochisme à l'exhibitionnisme, Gérard Bonnet, Presses Universitaires de France, Paris, 2005



mercredi 25 mai 2016

La force vient du ventre






La baleine prise pour une île (vers 1230-1240), 
Bestiaire latin, Londres, The British Library





“Il ne reste apparemment que le quiétisme - se soumettre par avance à la réalité pour lui ôter tout caractère menaçant ; rentrer dans le ventre de la baleine - ou plus exactement reconnaître que nous y sommes (car nous y sommes, sans aucun doute). S’abandonner à la marche du monde, cesser de s’insurger contre l’évolution en cours ou de prétendre la maîtriser ; simplement l’accepter, la subir, l’enregistrer.”

George Orwell, Dans le ventre de la baleine et autres essais (1931-1943), éditions Ivrea / éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2005






mardi 24 mai 2016

Rébus du rebut

 


Voyez-vous cette dalle ? Nous allons essayer de la faire basculer,
dessin mural d'une collection d’objets noirs, 860 x 360 cm,
Quimper, 2015, photographie © Dieter Kik





Le titre de l’œuvre est emprunté à une bulle de bande dessinée bien connue dans laquelle un célèbre petit reporter découvre un trésor solaire. Le trésor de l’artiste est ici une collecte d’objets noirs qu’il a entamée il y a une dizaine d’années.  
Ces objets de rebut participent d’une curieuse écriture pictographique. Ils dessinent une figure ouverte à de libres interprétations, animal hybride, être chimérique ou monstre... Au centre de cette figure et dans son ventre, des objets de plus en plus petits s'agrègent pour esquisser, dans un effet de zoom, l'image informe d'un œil
Cette image résonne avec le dessin animé de l'exposition (Regarder par les fentes), et avec le cœur de la sculpture dépliée sur son socle mince au milieu de la pièce (1532 Larmes de terre).

Correspondances
Regarder par les fentes, article du 5 mai 2016
Ecarts, traces et cartes, article du 14 mai 2016



Cliquez sur les images pour les agrandir.
 




Voyez-vous cette dalle ? Nous allons essayer de la faire basculer,
dessin mural d'une collection d’objets noirs (détail) 
© DFG